Merci,
Je copie pour une meilleure visibilité ce pamphlet magnifique :
Dix-huit bonnes raisons de se mettre au vélo couché ( surtout quand les bougies commencent à couter plus cher que le gâteau )
1) Parce qu'à effort égal, le vélo couché fait gagner au bas mot 1 à 2 kilomètres-heure de vitesse moyenne. Ce qui vous ramène au bas mot à vingt ou trente ans en arrière. Cyclopédiquement, s'entend.
2) Parce qu'en vélo droit, quand vous montez en danseuse, en ahanant et en soufflant comme une forge, le vent vous renvoie parfois les commentaires fielleux des copains qui vous doublent au train: "...tiens, il me semble qu'il a encore baissé, cette année...". En vélo couché, pas de danseuse possible, et il est universellement admis qu'on grimpe moins vite que les droits, sans que cela soit imputable à un état de méforme ou de vieillerie.
3) Parce que par grand frais de face, vous pouvez hypocritement demander aux copains: "le vent, il vient d'où? Parce qu'ici en bas, on ne se rend pas bien compte...". Le vélo couché vous offre l'occasion de ces petites mesquineries étriquées d’une consternante médiocrité qui n'en sont pas moins source de grandes jubilations intérieures.
4) Parce qu'une descente à 60 à l'heure en rasant le bitume, ça rappelle l'époque bénie des dieux et de la physiologie personnelle où on dévalait les pistes noires.
5) Parce que quand on s'arrête, on peut rester couché et ça énerve les copains (Cf. §3).
6) Parce qu'après quarante ans de vélo droit avec le cou tordu à l'envers, il est bon de faire prendre à celui-ci la courbure naturelle de celui qui regarde la télé sur son canapé, avec le chat sur les genoux et la camomille à portée de main.
7) Parce que quand il fait froid, la mousse dans votre dos génère une douche chaleur qui vaut toutes les petites flanelles du monde.
Parce qu'il faut réapprendre à faire du vélo, que c'est un challenge dont on a un peu perdu l'habitude, et que çà, ça remuscle les neurones.
9) Parce que les lunettes sont là où elles doivent se trouver, et pas trois centimètres plus bas.
10) Parce qu'on a une excuse toute trouvée pour rouler au GPS, vu qu'officiellement on n'a pas envie de passer son temps à aller chercher la carte à l'arrière à chaque carrefour. Officieusement, c'est rapport à l'arthrose des lombaires. Très officieusement, c'est que si on est sujet à des absences, il est opportun que le GPS face "ping" à chaque fois qu'il faut tourner.
11) Parce qu'on n'a pas besoin d'antivol vu que, sauf à avoir préparé son coup avec la camionnette et tout le tremblement, celui qui volerait un vélo couché a une espérance de roulage de moins de cinq mètres. Parfait à une période de sa vie où on commence à perdre les clés et oublier les codes.
12) Parce que les voitures, interpellées par l'étonnant spectacle d'un vélo couché vu de dos, restent bien trois minutes derrière vous avant de doubler, le temps de se remettre, et doublent lentement et bien au large pour jouir du spectacle en mode travelling lent.
13) Parce que tous les gens vous regardent, et qu'à un signe amical de votre part ils vous font un sourire. Et voir beaucoup de gens sourire après une semaine du déprimant spectacle donné par les journaux télévisés, ca vous redonne un rien de foi en l'humanité.
14) Parce que (Cf.§13), tout le monde répond à un sourire. Y compris les femmes. Y compris les jeunes femmes. Y compris les jeunes et jolies femmes. Et ça, c'est bon pour l'égo.
15) Parce le regard émerveillé de l'enfant au bras de sa mère vous donne a penser que - tel le jeune Proust voyant son premier aéroplane - celui-ci attendra impatiemment le retour de son père pour lui annoncer "Papa, tu ne sais pas ce que j'ai vu aujourd'hui...?”. Vous en concluez que vous n'aurez pas vécu inutilement en ce bas-monde.
16) Parce que le même, qui -allez savoir - est peut-être un Mussolini en herbe, un Pinochet en devenir, un Hitler d'opérette, un Pol Pot de chambre, consacrera peut-être son existence à la promotion du vélo couché au lieu de nuire à ses semblables. Conclusion Cf. §15.
17) Parce que quand on passe en vélo couché devant une école à l'heure de la récréation, on entend d'abord un cri, bientôt relayé par d'autres, suivi d'un mouvement de foule dans votre direction qui n'est pas sans rappeler une ruée de paparazzi sur une célébrité. Avec un début de calvitie et de ventripotence, il n'est pas déplaisant de s'identifier - fût-ce de manière fugace - à Lady Diana. Méprisons les mauvaises langues qui affecteront d'avoir lu Lady Gaga.
18) Parce que lorsque d'aventure vous avez suivi - avec aisance - un groupe de vélos droits roulant à bonne allure, et qu'ils vous félicitent avec enthousiasme comme si vous rouliez sur vélo de curé avec un cadre en tubes de chauffage central, vous jubilerez intérieurement en pensant comme Daladier retour de Munich "les pauvres, s'ils savaient...". Daladier n'avait en fait pas dit "les pauvres...", mais je tiens à garder de bonnes relations avec la confrérie du vélo droit, au sein de laquelle j'ai conservé quelques amitiés.
Patrice Micolon