Le Forum du Vélorizontal, vélo couché et autres véhicules à propulsion humaine Le forum francophone de tous les amateurs de cette pratique cycliste |
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| Miettes d'un Paris-Brest-Paris (2007) | |
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+14Tigouille poupa isard09 normandie-bents dAb Papy volant LucB le cam jean-pierre Vindwa SteF Myrddin el gato hominien666 Jéjon 18 participants | |
Auteur | Message |
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Jéjon Accro du forum
Messages : 7378 Localisation : Belgique VPH : Pelso Brevet, Schlitter Encore, Zockra Gwer, Sucre d'Orge (TD Dechenne), Optima Orca, Cuberdon (VM A2 électrique), Tandem Flevo Amigo Date d'inscription : 07/01/2006
| Sujet: Miettes d'un Paris-Brest-Paris (2007) Ven 31 Aoû 2007, 22:44 | |
| Miettes d'un Paris-Brest-Paris (2007) I. Qui frappe ? Dès les premières centaines de mètres, il m’aura été difficile de les distinguer : ces claquements secs à mes oreilles, est-ce la pluie sur le casque, est-ce un groupe de badauds applaudissant sur le trottoir ? Seul critère dans la nuit : si la sonnette tinte spontanément, c’est la première ; si elle résonne sous l’action de mon doigt, c’est le second. II. J.-P. « Non, Jean-Pierre, non !… Je suis inscrit sans assistance : tu ne peux pas m’aider ! » C’est peine perdue : J.-P. trotte déjà devant Normandie et moi, nous guide vers le contrôle, pousse la porte pour nous faire entrer. « Je vais déjà au restaurant ; vous buvez quoi ? Et n’oubliez pas : il me faut une petite photo pour GreenBull, hein ! » Au self-service, j’aurai le malheur d’acheter une banane… « M’enfin, j’en ai plein dans la camionnette, ’fallait pas ! » Non loin stationne en effet le Quartier général de J.-P., où il nous emmènera de force. Des matelas en tapissent le fond, jonchés de victuailles. « Vous voulez dormir ? Parce que là, j’attends Malric et Jean-Mi, vous avez un peu de temps, si vous voulez… » J.-P. gère ses paillasses avec la prévenance d’une mère maquerelle. Mais Normandie dispose également d’une camionnette, et je souhaite repartir au plus tôt. Je m’en tirerai avec une tranche de cake et un bol de gnôle — « vingt-cinq ans d’âge ! » J.-P. ! J.-P., l’abri de montagne perdu sur un parking, l’amphitryon des randonneurs, le Charon des contrôles qui refuse l’obole ! III. Le Croisement En quittant Brest, la randonnée soudain se replie sur elle-même : la majeure partie du trajet est commune à l’aller et au retour. On remonte la file de ceux qui arrivent. Le soleil enfin jette une clarté sur le visage des forçats. Mon prénom résonne deux ou trois fois, et je reconnais des compagnons de brevets. Les vélos couchés saluent leur semblable. Désormais, le peloton s’est scindé en deux castes : ceux qui ne sont pas encore à Brest et ceux qui n’y sont déjà plus ; ceux qui sont encore un peu à Paris et ceux qui y sont presque déjà. Une sorte de pitié s’insinue aussi… Si j’ai quitté Brest depuis deux heures, les randonneurs que je croise ont plus de quatre heures de retard sur moi. Un absurde sentiment de culpabilité en vient même à s’immiscer : plus j’avance, plus ils prennent du retard ! Chaque minute passée à pédaler en met deux entre mes vis-à-vis et moi… Et c’est même une sorte d’angoisse qui finit par m’étreindre pendant que je me livre à ces calculs : « Voilà quarante heures que je suis parti, et j’ai quitté Brest il y a trois heures. Ce type que je croise maintenant arrivera donc à la moitié de son parcours en quarante-trois heures, et il lui en restera quarante-sept pour le retour. Mais une demi-heure plus tard, le même cycliste qui me fera signe (ou n’en aura plus la force) disposera d’une heure de moins pour rentrer à Paris… » L’horloge décidément est implacable. Une heure plus loin, vingt-cinq kilomètres plus tard, la route est en effet déserte — elle ne se peuple plus que des fantômes de tous ceux qui ont abandonné, hors délai. Tous ceux pour qui, à l’instant « t » de notre croisement, la somme « mon temps total + mon temps depuis Brest » serait supérieure à quarante-cinq heures. IV. 27 kilomètres gratuits Une heure après le départ, la voiture qui limitait la vitesse au son geignard d’une cornemuse crachotante se range sur le côté : les randonneurs sont désormais livrés à eux-mêmes, ils quittent la clarté confortable des banlieues pour entrer dans la nuit. On n’a évidemment pas pris la peine, pendant cet aimable préambule, d’examiner le fléchage — la forme, la disposition, la fréquence des balises… Par paresse, on suit alors ceux qui précèdent en se fiant à leur vigilance… jusqu’à ce qu’un motard de l’organisation avertisse notre petit groupe de vélos couchés et tandems qu’il s’est fourvoyé. « Et c’est par où ? » « J’en sais rien, je suis comme vous, j’connais pas la route ! » Après quelques minutes d’interrogations et une liaison radio, nous prenons à gauche. Et c’est près d’une demi-heure plus tard que nous débouchons, en épingle à cheveu, sur une route constellée de phares blancs et dansants : les vélos droits des nonante heures, partis une heure après nous, viennent à notre rencontre ! Verdict du compteur : vingt-sept kilomètres de détour, une heure perdue. V. En Miettes Pâte feuilletée ? Pâte brisée ? Qu’importe : mon Paris-Brest est en miettes, en écailles qui tombent des yeux sans les dessiller. Le fléchage est trop fiable, rendait inutile la lecture des cartes et feuilles de route. Il suffisait de s’abandonner au ruban de bitume, de laisser venir et s’échapper les toponymes. Tout se mélange dans ma mémoire — était-ce de jour, de nuit ? à l’aller, au retour ? en descente ou en montée, sous la pluie ou le crachin ? To be continued... |
| | | hominien666 Posteur d'argent
Messages : 449 Date d'inscription : 22/02/2007
| Sujet: Re: Miettes d'un Paris-Brest-Paris (2007) Ven 31 Aoû 2007, 23:42 | |
| To be continued... Alors !!! et les miettes tu en as fait quoi de ces foutues miettes ? |
| | | el gato Accro du forum
Messages : 11440 Localisation : Villeurbanne VPH : Giro 20, divers trucs en jachère, attente de Speedmachine psychédélique Date d'inscription : 26/03/2006
| Sujet: Re: Miettes d'un Paris-Brest-Paris (2007) Sam 01 Sep 2007, 00:28 | |
| rrhhhaaaa bon dieu de bon dieu, qu'est-ce que c'est beau la littérature quand elle vient des tripes ! |
| | | Myrddin Pilier du forum
Messages : 962 Âge : 41 Localisation : Un peu plus à l'ouest VPH : Pioneer de chez nazca Date d'inscription : 12/03/2007
| Sujet: Re: Miettes d'un Paris-Brest-Paris (2007) Sam 01 Sep 2007, 10:53 | |
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| | | SteF ***
Messages : 178 Âge : 57 Localisation : pa-ca Date d'inscription : 31/08/2006
| Sujet: Re: Miettes d'un Paris-Brest-Paris (2007) Sam 01 Sep 2007, 19:13 | |
| Tout simplement délicieux |
| | | Vindwa Accro du forum
Messages : 5715 Âge : 65 Localisation : Esneux (B) VPH : Rans F5 Enduro / MD23 Dechenne 559x2 Date d'inscription : 04/01/2006
| Sujet: Re: Miettes d'un Paris-Brest-Paris (2007) Sam 01 Sep 2007, 21:54 | |
| Petit intermède en attendant la suite: Un écrivain liégeois, Jean-Pierre Otte, vit en France, dans le Quercy. Connaissez-vous le prénom de sa compagne? . . . . . Myette |
| | | le cam jean-pierre Accro du forum
Messages : 1302 Âge : 63 Localisation : Guéhenno 56420 . VPH : Catrike Speed et Méta 2 X 700 Date d'inscription : 07/01/2006
| Sujet: Re: Miettes d'un Paris-Brest-Paris (2007) Dim 02 Sep 2007, 15:22 | |
| Jéjon t'es pas le copain à Loana ( miettes) ????. Ok Je |
| | | Jéjon Accro du forum
Messages : 7378 Localisation : Belgique VPH : Pelso Brevet, Schlitter Encore, Zockra Gwer, Sucre d'Orge (TD Dechenne), Optima Orca, Cuberdon (VM A2 électrique), Tandem Flevo Amigo Date d'inscription : 07/01/2006
| Sujet: Miettes bis Mar 04 Sep 2007, 10:02 | |
| VI. Normandie Le premier contact avait de quoi le refroidir. Avisant la peinture douteuse de la bôme du Baron prêté par Malric, je demandai si celui-ci lui avait refilé une de ses épaves en guise de vélo. « Ça va pas, non ? C’est les dessins de mes enfants que j’ai collés dessus ! » Il fallut toute la lumière du jour et ma raison retrouvée le lendemain pour apprécier en effet le réalisme des gribouillages : on reconnaissait bien le papa sur sa monture. Normandie et moi avons joué à cache-cache pendant plus de six cents kilomètres. J’arrivais aux contrôles comme il en repartait. Sur le chemin du retour, à Carhaix, je raccroche néanmoins à son train d’enfer — rendu d’autant plus éblouissant que l’homme, avec désinvolture, filme paysage et concurrents d’une main aérienne. Notre compagnonnage fut à mes yeux le plus étroit de cette randonnée : peu de mots, beaucoup de joie. À ses côtés, les monts d’Arrée ont défilé sous nos roues tels des toboggans de pacotille. Il s’envole dans les descentes, je le rattrape (à moins qu’il m’attende) dans les côtes. Lorsque nous aurons réalisé que nous sommes en tête de la « course » que se livrent les quelques vélocouchistes francophones suivis par balise GPS, les taquineries s’aiguiseront : oui, sans doute cela se règlera-t-il au sprint… Je loue maintenant la sagesse qui m’a fait prendre un peu d’avance sur ce sprint, dès Loudéac, à 450 kilomètres de l’arrivée. VII. Des cartes dans les rayons Flac-Plic-Clap-Chlaf-Clac-Flip-Tchap-Clac ! Sur le côté herbeux, huit à dix gosses ont tendu leurs paumes, scrupuleusement alignées pour qu’elles résonnent d’une seule rafale. VIII. Les Brel Les traîtres ! Ils me dépassent dans un faux-plat descendant, alors que je tiens une barre de céréales dans la main gauche ! Je prends un air aussi décontracté que possible et, toujours grignotant, les reprends dans le faux-plat montant qui suit. Il n’en fallait pas plus pour gagner leur estime, et nous discuterons longtemps de nos machines. Ils sont belges, mais nous ne nous sommes jamais rencontrés lors des brevets qualificatifs. Christophe est un jeune homme fougueux et puissant mais au rythme fluctuant ; son père Romain est impressionnant de régularité et grimpe toutes les côtes assis sur sa selle — ce qui me fait penser, bien que la raison en soit médicale, qu’il ferait des miracles sur un vélo couché. Ils sont partis mardi matin, avec les 84 heures (donc huit heures après moi), mais leur objectif initial de 55 heures ne semble plus réaliste : le soleil est haut dans le ciel de ce troisième jour. Notre vitesse me stupéfie : plus de 40 sur le plat (avec un vent modéré de trois-quart dos), 25 dans de bonnes pentes. Je ne pense pas tenir longtemps. Dans certaines côtes pourtant, Christophe se place derrière moi en confiant : « Je profite un peu de ta roue, hein ! » ou en sifflant son père pour qu’il ralentisse, avant de placer des attaques dignes d’une épreuve cyclosportive… À la faveur d’une de ces accélérations, je jette l’éponge et les laisse s’éloigner. J’entre aussitôt dans une bourgade et aperçois quelques cyclistes s’éloigner dans une mauvaise direction. Suspectant qu’ils connaissent le parcours de la dernière édition, je ne prends pas la peine de les rattraper. Deux kilomètres plus loin en effet, la route sur laquelle je débouche est parcourue de randonneurs qui ne se sont pas même rendus compte de leur erreur. Romain est parmi eux, en colère. « Tu as vu Christophe ? Ben, il m’a largué ! Moi, j’en ai ras-le-bol : il roule comme un malade, il brûle les feux rouges, chais pas c’qui lui prend ! Ça fait trois jours qu’on roule sans dormir, et j’ai soixante balais, moi, j’ai autre chose à faire ! Qu’est-ce qu’il a à prouver ? » |
| | | LucB Accro du forum
Messages : 1228 Âge : 55 Localisation : Belgique, Chênée VPH : Sprint 2 RS - Brompton M6R -Raleigh Sprite - Kettler Lite Date d'inscription : 09/06/2006
| Sujet: Re: Miettes d'un Paris-Brest-Paris (2007) Mar 04 Sep 2007, 12:03 | |
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| | | Papy volant Accro du forum
Messages : 9998 Âge : 87 Localisation : Chartres VPH : Bacchetta ;VK1;tri Scorpion FS Date d'inscription : 05/01/2006
| Sujet: Re: Miettes d'un Paris-Brest-Paris (2007) Mar 04 Sep 2007, 18:32 | |
| LA SUITE avant d'aller au lit ..pour d'autres images !! Papy volant |
| | | Jéjon Accro du forum
Messages : 7378 Localisation : Belgique VPH : Pelso Brevet, Schlitter Encore, Zockra Gwer, Sucre d'Orge (TD Dechenne), Optima Orca, Cuberdon (VM A2 électrique), Tandem Flevo Amigo Date d'inscription : 07/01/2006
| Sujet: Re: Miettes d'un Paris-Brest-Paris (2007) Mar 04 Sep 2007, 21:07 | |
| Flûte... il est déjà au lit. |
| | | Papy volant Accro du forum
Messages : 9998 Âge : 87 Localisation : Chartres VPH : Bacchetta ;VK1;tri Scorpion FS Date d'inscription : 05/01/2006
| Sujet: Re: Miettes d'un Paris-Brest-Paris (2007) Mar 04 Sep 2007, 21:36 | |
| 19 heures 30..Jejon ..je vais aller me coucher .. pas de bents à aller voir à Nogent le Roi pas de récit rétro !! bonne nuit mais recontes ... dis ..la suite !! Papy dormant |
| | | Jéjon Accro du forum
Messages : 7378 Localisation : Belgique VPH : Pelso Brevet, Schlitter Encore, Zockra Gwer, Sucre d'Orge (TD Dechenne), Optima Orca, Cuberdon (VM A2 électrique), Tandem Flevo Amigo Date d'inscription : 07/01/2006
| Sujet: Miettes ter Mar 04 Sep 2007, 22:09 | |
| Pour vous, Papy !... C'est de circonstance. IX. Dormir Ma seule souffrance, déjà éprouvée lors des brevets qualificatifs. La première torpeur s’abat très tôt, dès la première étape, après quelques heures de route : inquiétant. Jean-Lou, que je rejoins après ma petite escapade de Gambais en lui demandant dans quel état il se trouve, me confie également : « Ben, je galère un peu, en fait… » Nous n’avons pas fait deux cents kilomètres, et il en reste plus de mille. Or, je souhaite rallier Brest d’une traite ! C’est à Carhaix que je devrai finalement faire halte : après 525 kilomètres, le vélo exprime de plus en plus une irrépressible envie de tâter du fossé. Dans l’antichambre, six bénévoles reçoivent les spectres du bitume. Le premier est un interprète français-anglais, le deuxième enregistre le numéro de dossard, le troisième attribue un lit vacant, le quatrième note l’heure de réveil souhaitée, les deux derniers nous conduisent dans la salle obscure. Des cartons couvrent le sol de cette gigantesque pièce ; quelques centaines de lits de camp y sont disposés et numérotés. Au fond, je m’enfonce dans un brumeux marécage, sur les bourbeuses berges d’un Léthé armoricain : l’incroyable diversité des ronflements, dans tous les tons, sur toutes les cadences, mime un assourdissant concert de batraciens. C’est à peine si j’ai le temps de regretter l’oubli de mes bouchons de cire… Quatre heures plus tard, on me secoue l’épaule : il est temps de se remettre en route. J’ai gardé sur moi mes vêtements humides, et il me faut seulement enfiler les éponges détrempées qui me servent de chaussures. Brest. J’ai traversé la rade comme le jour se levait. Malgré la fraîcheur du matin, ce soleil inattendu écrase et surexpose les infrastructures du point de contrôle. J’ai besoin de dormir un peu. Au fond du réfectoire gisent déjà quelques types, sur des praticables de gymnastique. Un quart d’heure suffira. Je me réveille en sursaut après une heure et quart. Carhaix, de nouveau. Dans la file du self-service, un malaise, un haut-le-cœur me prend. Je sors précipitamment et m’étends dans l’herbe, au soleil : puisque je ne puis manger, je dormirai. Las ! Moins de dix minutes plus tard, un nuage de pluie obscurcit le ciel, dont l’abri d’un grand thuya ne me protègera pas longtemps. Puisque je ne puis dormir… retour au restaurant ! J’y dévore une énorme assiette de poisson avec double ration de légumes. Fougères, sans doute. Je viens encore de manger un repas copieux et me sens particulièrement vaseux (l’expression me semble bizarre, un brin oxymorique… « particulièrement vaseux » ? l’esprit « clairement obscurci », « nettement confus » ?). J’ai besoin de dormir encore. Je me rends au dortoir. « Quand souhaitez-vous être réveillé ? » Je finis de calculer… « À trois heures. » Trois paires d’yeux m’examinent. « Vous allez dormir moins d’une heure ? » « Oui. » Une voix, derrière moi : « Ah oui, il y en a, des comme ça…! » L’organisation est un peu moins fluide ici, les places sont rares. On me fait entrer dans la « chambre 1 » ; une odeur pestilentielle me suffoque. Mon guide hésite, se penche sur les corps étendus. « Attendez-moi un instant. » Je reste de longues minutes debout, figé, enveloppé et soutenu par les fils que croisent autour de moi des ronflements continus. Mes yeux commencent à distinguer un tableau noir, une mappemonde épinglée au mur. L’homme revient : « Il y a de la place dans la chambre 7. » L’odeur y est un peu différente mais tout aussi fétide ; sans doute dans un état second, j’en viens pourtant à la humer avec un dégoût mêlé de curiosité, en faisant abstraction de sa source : c’est un musc vigoureux, presque capiteux, dont on pourrait traquer infiniment les puissantes épices. Les matelas sont jointifs. « Voilà, c’est là : 105. Bon, ils ne vous laissent pas beaucoup de place… » « Ça ira. Dites, je peux changer l’heure ? Vous pouvez me réveiller à trois heures et demie ? » Je me cale de justesse entre deux types à la bouche ouverte. Celui de gauche doit être le plus bruyant de la chambrée… Sous la couverture rêche étroitement serrée, je m’endors aussitôt dans mon cuissard et mon T-shirt mouillés. Était-ce la Mayenne ? Était-ce le Maine ? Dans la nuit noire, le souvenir me reste d’une région forestière et peu peuplée. À nouveau, les paupières se baissaient inexorablement — d’abord dans les descentes, que l’obscurité rendait trop dangereuses pour vouloir encore pédaler, mais aussi dans les côtes, où le mouvement automatique des jambes ne suffisait plus à maintenir la conscience éveillée. À la dentelle floue des arbres succédèrent soudain, de part et d’autre de la route, les arêtes franches et d’encre de quelques bâtiments isolés. Je m’arrêtai et me mis à la recherche d’un abri (cabane, poulailler, réserve de bois ?) où je pourrais étendre mes couvertures de survie. C’était une ferme ; nul chien n’aboya. Depuis que le Paris-Brest me hante, j’ai espéré pouvoir dormir dans la paille d’une grange de hasard — Jean-Lou, sceptique, n’y voyait qu’un mythe romantique ! Certes, je ne pus trouver de foin. Mais sous un hangar abritant un enclos désert, une large auge en bois, propre et sèche, semblait m’attendre. Derrière le tracteur, sur quelques stères de bois, se trouvait même une vieille couette roulée en boule et piquée de quelques brins de paille ! Je la disposai dans la mangeoire et m’y ensevelis : tel un cercueil, l’auge était taillée à la carrure de mes épaules. Bien que le hangar fût ouvert à tous les vents, je m’y endormis aussitôt d’un sommeil sépulcral, dont l’apocalyptique trompe de mon réveil ne put réussir à me tirer après un quart d’heure. Une heure plus tard, un cri d’outre-tombe m’éveillait en sursaut. Nul doute que, si un fermier fulminant et agitant la fourche m’était alors apparu, je l’eusse pris pour quelque démon infernal… Le ciel pâlissant annonçait, il est vrai, le troisième jour de ce Paris-Brest, le dernier jugement de mes ambitions. Dans le corps de logis, une lampe s’était allumée. À mille lieues des apparitions méphistophéliques, le café m’y eût assurément été offert si l’on m’avait surpris — mais je repris aussitôt la route, parmi les cris épars des randonneurs qui de temps en temps se hélaient. |
| | | SteF ***
Messages : 178 Âge : 57 Localisation : pa-ca Date d'inscription : 31/08/2006
| Sujet: Re: Miettes d'un Paris-Brest-Paris (2007) Mar 04 Sep 2007, 23:13 | |
| Merci Jejon, on ne s'en lasse pas. Bon maintenant au lit |
| | | dAb **
Messages : 97 Âge : 60 Localisation : Ecouen (95) / Sembadel (43) / Orléans (45) VPH : VK II Date d'inscription : 14/09/2006
| Sujet: Re: Miettes d'un Paris-Brest-Paris (2007) Mer 05 Sep 2007, 11:52 | |
| Vérole, qu'est-ce que c'est beau quand que tu cause ! J'ai failli dormir dans la paille, mais mon équipier ne l'a vu qu'au réveil... |
| | | normandie-bents Accro du forum
Messages : 1417 Âge : 53 Date d'inscription : 23/03/2006
| Sujet: Re: Miettes d'un Paris-Brest-Paris (2007) Mer 05 Sep 2007, 12:09 | |
| c'est beau Jéjon surtout le passage " Normandie " |
| | | isard09 Accro du forum
Messages : 1181 Âge : 63 Localisation : Mas d Azil 09 VPH : Baron orange ,krolann2,TD carbobambou Date d'inscription : 08/01/2007
| Sujet: Re: Miettes d'un Paris-Brest-Paris (2007) Mer 05 Sep 2007, 13:15 | |
| bravo jéjon pour ce récit par petites touches , ces tournures de phrases imagées... y'a pas , on a retrouvé notre Jéjon(admin) qui parle français comme un prof de ma jeunesse , et qu'on imagine en costard 3 pièces , vivant dans un appartement style empire au milieu des portraits de ces ancêtres... mais alors , c'est qui le jeune barbu et chevelu sur le aï racer , qui ressemble à ces jeunes qui font pousser des chèvres dans ma région ? Alain |
| | | Jéjon Accro du forum
Messages : 7378 Localisation : Belgique VPH : Pelso Brevet, Schlitter Encore, Zockra Gwer, Sucre d'Orge (TD Dechenne), Optima Orca, Cuberdon (VM A2 électrique), Tandem Flevo Amigo Date d'inscription : 07/01/2006
| | | | Jéjon Accro du forum
Messages : 7378 Localisation : Belgique VPH : Pelso Brevet, Schlitter Encore, Zockra Gwer, Sucre d'Orge (TD Dechenne), Optima Orca, Cuberdon (VM A2 électrique), Tandem Flevo Amigo Date d'inscription : 07/01/2006
| Sujet: Re: Miettes d'un Paris-Brest-Paris (2007) Ven 07 Sep 2007, 10:32 | |
| Si vous avez lu le dernier paragraphe du chapitre IX, "Dormir", je crois que vous allez comme moi halluciner en découvrant ce témoignage écrit sur un autre forum par Thierry, un VD : - Thierry a écrit:
- Je m’arrête donc dans une ferme, histoire de me refaire une santé. Le paysan sort dans la cour pour m’accueillir et me propose de boire du café et de me réchauffer dans sa maison avec une couverture bien chaude sur les épaules, méfiance cet homme est le fils de Satan. Je me méfie donc de la proposition, car la tentation est grande à cette heure de la nuit et peut m’inciter à l’abandon. Je refuse donc et décide de m’installer dans la grange qui me convient bien mieux et avec le paysan nous discutons de femme, de vin, la vie quoi !
C'est vraiment curieux : la ferme, le café, le paysan satanique et la grange... tout y est !
Dernière édition par le Ven 07 Sep 2007, 10:43, édité 1 fois |
| | | LucB Accro du forum
Messages : 1228 Âge : 55 Localisation : Belgique, Chênée VPH : Sprint 2 RS - Brompton M6R -Raleigh Sprite - Kettler Lite Date d'inscription : 09/06/2006
| Sujet: Re: Miettes d'un Paris-Brest-Paris (2007) Ven 07 Sep 2007, 10:38 | |
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| | | poupa Accro du forum
Messages : 1786 Âge : 77 Localisation : B - 4500 Tihange (Huy) & F - 91810 Vert-le-Grand VPH : Challenge Twister vert, Batavus Relaxx 4 All, (ex Performer HR), (ex Bacchetta Giro 20), Volae Team, Bacchetta Strada, Bacchetta Corsa 650, Bacchetta Corsa 700) Date d'inscription : 26/08/2007
| Sujet: Re: Miettes d'un Paris-Brest-Paris (2007) Ven 07 Sep 2007, 11:25 | |
| Le langage aussi fleuri que la barbe... |
| | | Jéjon Accro du forum
Messages : 7378 Localisation : Belgique VPH : Pelso Brevet, Schlitter Encore, Zockra Gwer, Sucre d'Orge (TD Dechenne), Optima Orca, Cuberdon (VM A2 électrique), Tandem Flevo Amigo Date d'inscription : 07/01/2006
| Sujet: Re: Miettes d'un Paris-Brest-Paris (2007) Ven 07 Sep 2007, 15:21 | |
| Ça doit être génétique... |
| | | Myrddin Pilier du forum
Messages : 962 Âge : 41 Localisation : Un peu plus à l'ouest VPH : Pioneer de chez nazca Date d'inscription : 12/03/2007
| Sujet: Re: Miettes d'un Paris-Brest-Paris (2007) Ven 07 Sep 2007, 15:58 | |
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| | | isard09 Accro du forum
Messages : 1181 Âge : 63 Localisation : Mas d Azil 09 VPH : Baron orange ,krolann2,TD carbobambou Date d'inscription : 08/01/2007
| Sujet: Re: Miettes d'un Paris-Brest-Paris (2007) Ven 07 Sep 2007, 21:18 | |
| - Myrddin a écrit:
- y'a pas de suite?????
Pareil , on attend la suite ; dans la passion , il y a XIV chapitres , non? Alain |
| | | Jéjon Accro du forum
Messages : 7378 Localisation : Belgique VPH : Pelso Brevet, Schlitter Encore, Zockra Gwer, Sucre d'Orge (TD Dechenne), Optima Orca, Cuberdon (VM A2 électrique), Tandem Flevo Amigo Date d'inscription : 07/01/2006
| Sujet: Re: Miettes d'un Paris-Brest-Paris (2007) Ven 07 Sep 2007, 22:38 | |
| Merci de me rappeler à l'ordre... ça va venir. |
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| Sujet: Re: Miettes d'un Paris-Brest-Paris (2007) | |
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| | | | Miettes d'un Paris-Brest-Paris (2007) | |
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