Il est presque 17h et je repars de Villaines, plus que 200 bornes, bordel !
Bon, on ne va pas non plus se mentir, parfois sur PBP, on s'occupe seulement d'abattre des kilomètres, on pense à des tas de choses, à notre copine qui s'angoisse à la maison... Je roule un peu avec Marcel le Grenoblois, il roule en écoutant une mini radio montée sur son guidon. Il me propose de continuer avec lui mais je le laisse filer car je ressens un début de tendinite au talon d'achille. J'y ai droit presque à chaque édition dès que je m'approche des 1100 kms.
Je mange à Mortagne vers 21h15. La traversée du Perche n'est pas la plus passionnante au retour donc c'est le moment de philosopher un peu...
Paris Brest reste une belle épreuve et je pense qu'il y a de bons cyclistes parmi ceux qui organisent. Cependant en regardant les évolutions au fil des éditions, le comportement des organisateurs fait souvent penser à celui d'une jeune fille velléitaire qui s'offrirait au premier venu ! En l'occurence ici, le compétiteur obsédé du chronomètre... Une marotte bien occidentale que celle-là et les Orientaux qui participent prennent les choses avec bien plus de détachement et de recul.
Que ferait un amish s'il devait organiser PBP?
Oui, les Amish, vous savez cette communauté religieuse nord-américaine d'origine allemande. Ils ne refusent pas la technologie mais s'interrogent collectivement sur l'usage qu'ils peuvent en faire. Et se restreignent fortement. Ils ne refusent pas l'usage de l'électricité mais ils refusent de se servir du réseau public. Donc parfois, ils alimentent de petits appareils avec des éoliennes rudimentaires par exemple.
Ça a d'ailleurs beaucoup fait rire notre Président de la République qui a fait savoir en 2020 qu'il ne croyait pas au modèle Amish. Enfin, tout ceci c'était avant l'explosion des prix de l'énergie et les engueulades avec les Allemands pour fixer le prix du gaz ! Mais le cap est maintenant mis sur la sobriété... Si ça continue, avant la fin du quinquennat, il m'enverra un mot de remerciement pour vous avoir parlé positivement des Amish !
L'heure est aux lowtechs, si un Amish organisait PBP, il supprimerait le système de chronométrage par puce. Lourd à mettre en place et très couteux, ce système a fait exploser les droits d'inscription. Sans y réfléchir, on s'est fait baguer comme des pigeons. Et on a perdu au passage une partie de notre liberté. Revenons à des valeurs plus "randonneur", tout ceci n'a fait qu'exacerber l'esprit de compétition entre chacun.
Le traditionnel carnet de route que l'on tamponne à chaque contrôle et qui est d'ailleurs toujours en service, fonctionne parfaitement, coûte peu.
Au fait, comment s'appelle le prestataire qui s'occupe du chronométrage? Chronocourse, ça ne s'invente pas sauf que Paris Brest n'est plus une course depuis l'après-guerre!!!
Le cyclo moins riche qu'il soit Français ou étranger doit pouvoir continuer à participer. Les droits d'inscription enflent à chaque édition et c'est préoccupant. L'Ukrainien en mini vélo acier des années 50 a toute sa place, c'est aussi ce qui fait la valeur de Paris Brest.
Bien sûr, de grosses gouttes de sueur froide perlent au front des compétiteurs de tous poils qui lisent ce lignes! Les gars, je vous avais mis en garde en préambule de ce récit... Vous êtes passés outre mon avertissement et avez dangereusement continué la lecture de texte séditieux!
On ne va tout de même pas brouiller ou interdire Strava, soyez rassurés, vous allez pouvoir continuer à vous comparer.
Je cause, je râle et voici Dreux, la dernière étape à 60 kms de l'arrivée. A nouveau un froid de gueux lors de cette dernière nuit. Je décide de dormir quelques heures pour ne pas arriver à Rambouillet en pleine nuit. Un cycliste arrive au contrôle en même temps que moi, il titube en descendant du vélo. Un bénévole lui demande si ça va... Il veut répondre mais pas un son ne sort tellement il est congelé !
Je repars au petit matin, il faut être attentif aux derniers kilomètres car les gars veulent emporter un souvenir et les pancartes directionnelles de l'organisation disparaissent. D'autant qu'il y a beaucoup de rond-points en rase campagne.
Toujours de l'émotion sur les derniers kilomètres...
Voilà, 9h, j'y suis enfin. Bon, Anne Hidalgo n'est pas là... Je ne peux pas lui en vouloir, qui aurait pu penser que j'arrive aussi tôt? Personne et pas moi le premier !
Madame Hidalgo, rendez-vous le 20 août prochain vers 17h au fond du peloton des vélos spéciaux, au moins on sera sûr de se croiser. Enfin ,si mon créateur me le permet car on n'est jamais sûr. Pitchoun va nous manquer, Patrice l'apiculteur d'Avignon aussi...