Une plante anti-cyclistes (Le Monde)

Gasp ! J'espère que cette charmante plantule ne va pas étendre son aire de répartition... Les Grenoblois sur les berges de l'Isère n'ont-ils pas déjà fort à faire avec les épines de robinier ?

Citation :

Horizons
Darwin et les cyclistes
LE MONDE | 14.03.08 | 14h42 • Mis à jour le 14.03.08 | 14h54


Un petit matin de février, dans la banlieue de Phiên Hoc Hâm. Le long des berges du Ngian-Hu court un long ruban de goudron : la piste cyclable que la municipalité de cette ville du Sud-est vietnamien a construite en 2001, pour désengorger quelque peu les axes routiers reliant les faubourgs populaires aux filatures locales. Alors que des véhicules d’un autre âge, crachant d’opaques panaches de fumée, avancent à pas d’homme sur la chaussée, aucune bicyclette ne surgit pourtant sur l’impeccable bitume qui lui est réservé.

« Tout notre plan de circulation, tout le travail de concertation, toute la campagne d’information et les mesures incitatives ont été anéantis par cette maudite plante », se lamente Pham Thi Ngoc, adjointe au maire pour la mobilité et les transports. Une plante ? Platyrhiza metaphyllos, la « racine plate aux feuilles changeantes », selon les botanistes qui se penchent sur son cas. Un arbuste touffu, abondant sur les rives du fleuve, qui semble avoir déclaré la guerre aux cyclistes de Phiên Hoc Hâm.

2005. Après avoir de justesse remporté l’adhésion des riverains, la municipalité décide de réaffecter le chemin de halage qui borde le Ngian-Hu. Quarante-trois kilomètres de sentier défoncé se couvrent alors d’un impeccable bitume qui dessert les villages de la vallée jusqu’au cœur de la ville. Le succès est au rendez-vous : les vélos, progressivement relégués dans les greniers par deux décennies de « tout à la voiture », se répandent à nouveau dans la sous-préfecture par la voie royale qui leur est ouverte. Début 2006, les services de police décèlent déjà une diminution du trafic automobile, confirmée ensuite par la chute vertigineuse du nombre de procès-verbaux dressés au cours du premier trimestre. On chuchote même que cette belle réussite n’a pas pesé d’un poids négligeable sur la réélection du maire, en avril 2006. Mais dès la fin de l’année, les premiers signes d’une baisse de fréquentation se font jour… En cause ? Le bruit court que des voyous répandraient du verre pilé sur la piste, provoquant des crevaisons répétées et décourageantes pour les malheureux travailleurs.

NEO-DARWINISME

Mais une rapide enquête révéla qu’il n’en était rien : d’après les vélocistes, le taux de crevaisons n’a pas augmenté récemment, et les services de nettoyage n’ont guère pu trouver de bris de verre parmi les feuilles de Platyrhiza metaphyllos. Car le responsable est bien là : l’arbrisseau, connu pour son feuillage dont la forme et la couleur varient d’une région et d’un individu à l’autre, paraît avoir décidé de se défendre. Or, on savait depuis longtemps que Platyrhiza supportait mal le piétinement de ses rameaux retombants, et que les blessures mal cicatrisées laissaient longtemps couler la sève, jusqu’à épuiser la plante entière. Un arbuste hémophile, en quelque sorte. « Jusqu’ici, on pensait que la variabilité naturelle des feuilles de Platyrhiza dépendait uniquement des conditions écologiques des lieux : limbe plus découpé en zone ensoleillée, plus coriace là où il est soumis au broutage par le bétail, un peu violacé au bord des cours d’eau », se souvient Quang Nguyên, botaniste à l’Institut des sciences naturelles de Phiên Hoc Hâm. « On s’aperçoit maintenant que la plante peut s’en servir comme d’un leurre pour défendre son espace vital. »

Souffletées, éraflées, déchiquetées par le passage incessant des deux-roues, les feuilles de Platyrhiza ont évolué d’une façon qui paraît ne rien devoir au hasard : une découpe anguleuse, un ton vert légèrement irisé et estampillé d’une tache blanche… De loin, on jurerait qu’il s’agit d’un éclat de verre. « La marge du limbe, un peu plus foncée, et cet éclat blanc excentré miment de façon stupéfiante les reflets du soleil dans le verre. Mais le plus étonnant, nous confie Quang Nguyên, c’est la forme de la feuille, qui semble absolument aléatoire. » L’homme s’est constitué un épais herbier dans lequel il collecte les plus remarquables spécimens. La taille des feuilles varie du double au triple, et leurs bords rectilignes dessinent de folles figures géométriques : triangles de toutes espèces, losanges, trapèzes, quadrilatères — un vrai bestiaire euclidien. Eparpillées sur la piste cyclable, elles feraient faire demi-tour au plus intrépide des cyclistes. L’arbuste malmené a manifestement trouvé la parade.

« Nous nous trouvons devant un véritable cas d’école ! Pour les évolutionnistes, il s’agit d’une confirmation éclatante du néo-darwinisme. » Le botaniste s’anime. « Plusieurs équipes de chercheurs étrangers nous ont déjà rendu visite. La culture en laboratoire devrait nous permettre de déterminer si les caractères sont acquis ou s'ils se transmettent à la descendance. On attend beaucoup aussi des analyses génétiques que va mener l'Université Louis Pasteur de Strasbourg. »

En attendant et quels qu'en soient les résultats, Platyrhiza pose un problème « épineux » aux autorités de Phiên Hoc Hâm. Car si la plante s'avère encombrante, elle n'en reste pas moins, piquetée de ses innombrables petites corolles indigo, omniprésente sur les cartes postales et prospectus touristiques de la vallée… Un symbole que la municipalité ne peut songer à débroussailler sans états d'âme.


Jeanne Hirsfeld
Article paru dans l'édition du 14.03.08

(heureusement que l'article ne date pas d'aujourd'hui, 1er avril...)

A gober pour les amateurs...
Et les crevaisons provoquées par les arêtes de poisson d'avril sur les pistes cyclables, qu'est-ce que vous en faites?

Bon, je dois bien reconnaître que je n'ai guère fait illusion... L'Auvergnat non plus ne s'était pas laissé duper !

Tout ce texte est faux, bien entendu ; je l'avais rédigé à votre intention, après une illusion d'optique bien réelle qui m'avait fait prendre une feuille morte pour un éclat de verre.

J'espère quand même qu'il vous a plu...

bien rédigé en tout cas, bravo !

pas trop cru... enfin, je me disais que de tout' façons, avec des Marathon + on y passe

Mais vous allez rire, le gros poisson d'avril de la région : le journal local a annoncé qu'un A380 allait attérir sur le tout petit aéroport du coin (y'a un coucou par jour qui va à Paris, et sinon ce sont des clubs d'aviation)... et y'a une cinquantaine de personnes qui y sont allées... pour rien évidemment !

Haha ! Youpi ! Et Trottinette aussi, non ? Allez, avouez, pour me rétribuer de la peine que je me suis donnée !

M jéjon je vais vous décevoir, mais je n'ai pas lu un traitre mot de votre discours, il était surement trop long à lire pour rester courtois.
M'enfin je ne suis pas un intéllectuel c'est surement pour cela que je ne l'ai pas lu................................

pour être tout à fait franc, j'y ai pas cru, 1er avril oblige,
mais après l'avoir survolé, (parceque c'est vrai que c'est long !!!)
j'ai vu que la date du texte était du mois
de mars... alors... bin... j'ai décidé de rester sur mon quant-à-moi.....

bref, je me suis fait eu...
à 50 %

la honte qu'a 50%, quoi !

Ah, c'est déjà ça, quand même ! Ma compagne aussi s'est fait avoir (du moins est-elle assez complaisante pour me l'avoir affirmé). Green-Bull, c'est pas grave : je vous assure que j'avais beaucoup apprécié le coup de la Pouffe-car ; vous vous étiez trompé de date, voilà tout...

A cause de la date, je me suis fait avoir aussi ! Pourtant, connaissant votre rigueur habituelle, j'aurais dû me douter que l'absence de lien était suspecte...

En tout cas, bravo pour ce bel article, plus vrai que nature !

joli coup Jejon! tres credible pour un nain credule comme moi ;-)

Moi aussi j'y ai cru…

mais bon, j'ai aussi cru le cout du téléphérique à mouton de science et vie junior, je ne suis donc pas une référence. Heureusement que ma femme m'a fait remarqué tout les indices qui montrais la farce…

Jéjon a écrit:

Haha ! Youpi ! Et Trottinette aussi, non ? Allez, avouez, pour me rétribuer de la peine que je me suis donnée !

Il en faut pour tous les gouts, mais je dois avouer que quand je vois des textes d'érudits, je saute ...

kikou,
Je viens juste de lire l'article, très intéressant ai-je pensé... Puis en lisant les commentaires et la date du Post, je dois bien dire que je me suis fait attrapé...
C'est un texte phénoménal que tu as écrit là Jégon et je me dis bien qu'il y a des génies littéraires sur ce forum : es-tu vraiment un être humain comme les autres ou plutôt un de ces extra-terrestres venus étudier les pauv'gens comme nous ?
Encore bravo pour ce texte criant de vraisemblance et à l'architecture clairement journalistique.
A pluche

Je vient de lire l'article et comme je n'ai aps fait gaffe a la date j'ai ai crut au début...
Mais ma culture scientifique (merci Science et vie) m'a souflé que cela n'étais pas possible.
En tous cas jolie article !

LAF ! ! ... !

Merci, merci beaucoup, Bertrand et Laf Ange !

Le premier avril est loin et je n'ai pas douté un seul instant qu'il s'agissait d'un article du monde. Mais ce qui m'a quand même semblé invraisemblable, c'est qu'une plante sache ce qui fait peur à un cycliste.

Autre imprécision qui m'a fait penser que le journaliste du monde avait une faible connaissance du Vietnam, c'est le "tout à la voiture", alors qu'au Vietnam c'est plutôt le "tout à la moto".

Joli coup en tout cas!