Paris-Brest-Paris 2015 d'un Chartrain

Voici le récit de mon Paris-Brest-Paris 2015 destiné à quelques membres de ma famille et autres.

Paris-Brest-Paris 2015


Récit d’une aventure… bucolique !

Je ne sais plus trop pourquoi, mais une chose est sûre : je tenterais de me qualifier pour le Paris-Brest-Paris en 2015. C’est la raison pour laquelle, en mars 2014, je refais un Brevet de
Randonneurs Mondiaux de 200 kilomètres (BRM 200) à Longjumeau. Celui-ci s’effectue sans aucune difficulté car je connais ce type de distance depuis de nombreuses années. Je voulais faire le BRM
300, le mois suivant mais un ongle incarné m’y fait renoncer. Peu importe, j’ai le précieux carnet qui prouve que j’ai effectué un BRM de pré-qualification pour le prochain Paris-Brest-Paris (PBP).
  Les épreuves de qualifications commencent en 2015. Il va falloir parcourir les distances de 200, 300, 400 puis 600 kilomètres en temps limités.
  En mars 2015, j’enchaîne trois BRM 200 à la suite : Fleury-les-Aubrais, Longjumeau puis Chartres. Durant ces brevets, je fais la connaissance de Bernard Faucheux, Guy, Michel ? et Philippe.
  En avril, j’effectue le BRM 300 de Chartres en compagnie de Bernard Faucheux.
  En mai, c’est Philippe qui m’accompagne pour le BRM 400 de Chartres. Le parcours y est sympathique on va jusqu’à la mer (Deauville) que l’on verra de nuit. C’est un BRM particulier qui
permet de tester le roulage de nuit car on part à 16H00. J’y apprendrai qu’il faut absolument que je dorme la nuit, ne serait-ce qu’une demi-heure.
  En juin, j’effectue le parcours avec un groupe composé de Bernard Faucheux, Bernard Imbert (qui a déjà 11 PBP réussis à son actif), Christian et xxx. Leur tactique est de rouler lentement sans
jamais forcer mais de ne pas dormir ! Obligé de m’arrêter une heure pour dormir, je les laisse continuer sans moi. Persuadé qu’ils sont devant moi, je pense pouvoir les rattraper avant Chartres.
En fait je ne les rattrape pas. J’apprendrai plusieurs jours plus tard qu’ils sont arrivés après moi. En tous les cas, la conclusion est que je dois rouler plutôt vite pour pouvoir dormir. C’est la tactique que
j’adopterai pour PBP.

Samedi 15 août 2015 à 11H00, c’est l’heure du contrôle des vélos (éclairage, équipement) au vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines (Montigny-le-Bretonneux). Je reçois mes plaques de cadre, la puce électronique et le gilet PBP2015. Je sens déjà la tension qui monte et je me dis « maintenant, j’y suis ». Cette journée me permet de reconnaître un peu les lieux et par là diminuer le stress du dimanche.
  Le Paris-Brest-Paris est une randonnée spéciale. Il faut parcourir 1230 kilomètres en moins de quatre-vingt-dix heures (arrêts compris).


  Cette année, il y a 6000 participants dont 4000 étrangers ce qui promet une diversité culturelle intéressante. Les départs se feront tous les quarts d’heures de 16H00 à minuit et de 4H00 à 5H00 le lendemain matin.

Dimanche 16 août à 17H15, c’est le départ des vélos spéciaux. C’est extraordinaire ! Les Vélos Spéciaux (VS) regroupent des vélos couchés, des tricycles couchés, des vélomobiles (tricycles couchés carénés), des vélos anciens, des « elliptigo », des tandems et encore d’autres machines rares (triplette, tandem droit à 3 roues…). Il y a des vélos couchés partout, c’est génial car sur les brevets nous sommes peu nombreux. ….
  Il y a du monde partout. Pour moi c’est un pur moment d’euphorie. Le départ est plutôt rapide mais j’en profite car il y a une voiture ouvreuse ainsi que des motards qui nous ouvre la route. Cela nous permet de ne pas attendre aux feux de signalisation. Puis 15 kilomètre plus loin on se retrouve lâché en pleine nature. Maintenant on y est. Il va falloir veiller à surveiller sa boisson, son alimentation, son sommeil et son effort car plus de 1200 kilomètres nous attendent. L’euphorie nous a quittés, chacun réfléchit intérieurement. C’est devenu silencieux ; on entend plus que les bruits des roues libres ou des dérailleurs.
  De temps à autres, nous entamons des discussions avec les autres cyclistes. Le soleil est bas sur l’horizon. J’arrive au « relais de l’escabeau » un petit peu après Nogent-le-Roi. J’y fais une courte pause et salut René. Une célèbre figure du forum « vélorizontal » (sous le pseudonyme de « PapyVolant ») et qui est la première personne avec qui j’ai roulé en vélo couché il y a déjà presque huit ans. Il m’a appris quelques astuces. Car la pratique du vélo couché est une discipline particulière.
Il faut accepter de réapprendre à faire du vélo. Passé les premiers kilomètres on comprend que tout est différent. C’est une machine très confortable, performante sur le plat et quand il y a du vent. La vision est panoramique ; il n’est pas nécessaire de faire des efforts pour regarder le paysage. Le véritable inconvénient est, pour moi, le regard des autres. J’en ai beaucoup appris sur le comportement humain (en bien et en mal) grâce à ce vélo. On comprend mieux ce que doivent
ressentir les handicapés, les « bikers », les gothiques, les moines bouddhistes, les hippies, les prêtres en soutane, les bonnes-soeurs… bref, tous ceux qui ont une autre vision du monde et qui, de ce fait, ne répondent pas aux critères de « normalités » que les gens « normaux » voudraient imposés. On devient des brebis galeuses ou des aventuriers, c’est selon !
  Après Tremblay-les-Villages (le village de ma première école), il y a Guy, un ami musicien, et sa famille qui sont venu m’encourager. Ça fait plaisir de savoir que l’on est suivi et ça vous motive pour réussir !

  En passant dans Châteauneuf-en-Thymerais, un cycliste du club ce Chartres (le MSD) venu encourager les participants me hèle. Il profite du feu rouge pour me prendre en photo. Je le salue et repars. La nuit s’installe, les feux arrière des vélos forment un long serpent rouge lumineux parcourant les collines du Perche : c’est magique !
  Arrivé à Mortagne-au-Perche, je m’arrête une demi-heure pour manger un sandwich que je ne finirais pas car je n’ai pas faim. J’y rencontre Philippe avec qui j’avais effectué le BRM 400 de Chartres et le 200 de Longjumeau. Je suis content car c’est un bon compagnon de route. Nous repartons ensemble. Malheureusement je le perds bien vite car il y a beaucoup de monde.

  Puis me viennent les premiers renvois d’estomac. Je m’arrête mais rien ne se passe. Je continue mais le moral descend d’un coup. J’ai peur de revivre les moments difficiles des BRM 400 et 600 où je n’arrivais plus à avaler quoi que ce soit (liquide ou solide) et finissait par vomir.
  Arrivé à Villaines-la-Juhel, je pointe à 3H00 et je vais dormir une bonne heure dans un dortoir. Au réveil, je file voir un médecin. Celui-ci me donne une pilule miracle pour me réalimenter. J’attends selon les préconisations du médecin et je vais boire un thé puis manger une soupe et quelques pâtes au self. Je ne mange quasiment rien car je ne me sens vraiment pas bien. J’hésite à abandonner. Je vais « comater », réfléchir, peser le pour et le contre pendant une demi-heure, puis je prends la décision irrémédiable : je continue !

Il fait froid, mais le jour va commencer à se lever : c’est l’aurore. Je repense à ce morceau « Aurora » que nous avons interprété à l’OHEL. L’aube s’ensuit. Le jour est levé, le soleil commence à nous réchauffer. Je croiserais à plusieurs reprises, en fonctions de nos petits arrêts (déshabillage, pause pipi ou autre), des cyclistes couchés avec qui j’avais fait le BRM 200 de Fleury-les-Aubray. Ça fait du bien d’échanger quelques mots avec des visages connus (Guy et Michel du VC d’Abli).
  Au contrôle de Fougère, je tente le tout pour le tout : je me restaure car je n’ai rien bu ni manger depuis le dernier contrôle. Je prends mon temps, m’allonge dix minutes… et vomis tout ! Je me sens vidé mais je sais que ça ira bientôt mieux. Je repars aussi sec.
  J’arrive au contrôle de Tinteniac à 13H30 où j’achète de l’Orangina qui passe plutôt bien. La forme revient petit à petit. Le paysage est nouveau pour moi. Les routes sont de plus en plus sinueuses et je fais de l’élastique avec un vélomobile hollandais et quelques vélos droits. Je double à fond de train les vélos droits dans les descentes ou le début des montées puis je me fais doubler tout aussi vite par le vélomobile. Mais les vélos droits me redoublent ensuite, ainsi que le vélomobile.
Ensuite, je double à mon tour le vélomobile rétablissant ainsi l’ordre du départ. Puis vient la nouvelle descente et on recommence. C’est ce que l’on appelle faire de l’élastique (ou du yo-yo). Même si nous sommes différents, nous avançons dans le même sens. « Elle est pas belle la vie ? ».
  Je rejoins le camping de La Chèze où une aire de repos est assurée par des bénévoles de l’Association Francaise de Vélocouchés. J’y fais la rencontre de personnes charmantes qui vous redonnent une pêche d’enfer. Je reste une petite demi-heure puis je file pointer au contrôle de Loudéac à 17H30. Je peux à nouveau m’alimenter correctement : c’est la grande forme ! Je décide de rejoindre Saint-Nicolas-du-Pélem pour aller dormir.

  La route entre Loudéac et Saint-Nicolas-du-Pélem est plutôt difficile, les bosses s’enchainent mais le paysage est magnifique. En plus, il y a du monde sur les routes qui vous encouragent, vous donne à boire ou à manger. Ca fait chaud au coeur. Les Bretons sont vraiment très accueillants : ils méritent la palme des meilleurs spectateurs. Arrivé à Saint-Nicolas-du-Pélem, j’y apprends qu’il y a un contrôle secret. Je pointe et me restaure un peu. Je ne pousse pas jusqu’au contrôle suivant car j’ai peur qu’il y ait trop de monde. Je vais alors au dortoir équipé de lits de camps pour y dormir quatre heures. Au réveil, je repars illico.

Une trentaine de kilomètres plus loin j’atteins Carhaix où je me restaure bien car je sais que le dernier tronçon avant Brest sera difficile. De ce fait, la bruine m’empêche de progresser correctement. Nous croisons des groupes de cyclistes qui reviennent de Brest. Leurs éclairages sont éblouissants. Je peste plusieurs fois car il n’y a pas de bande blanche pour se repérer et je dois ralentir chaque fois pour ne pas me retrouver dans le fossé. Les phares sont mal réglés, même les
vélos droits se plaignent. Je préfère, de loin, croiser une voiture c’est bien moins éblouissant. La montée de Roc Trévezel se fait donc de nuit avec la bruine. La descente est fantastique. Je file bon train et double à foisons les cyclistes qui m’avaient doublé dans la montée. L’effet de la vitesse est grisant (je dépasse même les 70km/h). J’atteins le pont Albert Louppe au petit matin. Le paysage est saisissant, on y devine plus qu’on ne voit, la mer et les bateaux d’un côté. Tandis que de l’autre, émerge d’une mer de nuages, les piles du pont suspendu. C’est vraiment magnifique.
  J’arrive à Brest à 7H30. Je me ravitaille en boisson. Je rencontre Jean-Loup qui revient de l’hôtel et part manger. Puis je fais la connaissance avec Christophe avec qui je vais faire un bon bout de route ensemble. La brume s’est levée et c’est sous un temps magnifique que nous montons à nouveau Roc Trévezel. La vue est magnifique et ce petit massif nous donne envie d’y revenir plus tard pour faire quelques randonnées pédestres et mieux découvrir le paysage. S’ensuit une belle
descente et quelques bosses et nous pointons à Carhaix à 12H30. Nous nous reposons un peu puis nous repartons.

  Le trajet de Carhaix à Saint-Nicolas-du-Pélem s’effectue sans difficulté majeure. Il y a toujours du monde sur les bords des routes pour nous encourager. Certains proposent même de la boisson ou à manger. Au moment de repartir de Saint-Nicolas-du-Pélem, dans le parcours cerné de barrières nous obligeant à virer à angle droit, je ressens une vive douleur au genou lorsque je ré accélère au détour d’un virage pour ne pas tomber. Je pense que celle-ci s’estompera bien vite, mais elle restera jusqu’à l’arrivée et même au-delà.
  A Loudéac, je propose à Christophe de continuer son chemin seul car je devrais m’arrêter au camping de La Chèze et, de plus, je voudrais rouler vraiment à mon rythme car la douleur ne s’est pas estompée.
  Au camping de La Chèze, je retrouve les charmantes hôtesses de l’Association Française de Vélo-couché. Je mange une excellente salade accompagnée de fromage avant de filer en douce pour ne pas succomber à l’appel des Sirènes.


  Je continue ma route jusqu’au ravitaillement de Quedillac. Je ne m’arrête pas car je projette de me restaurer et dormir à Tinteniac.
A Tinteniac, je me fais une bonne nuit de sommeil (près de 4 heures) puis je repars avec pour objectif de prendre un petit déjeuner au contrôle de Fougères.

Je quitte bientôt la Bretagne pour arriver en Mayenne. Changement de décors : les routes deviennent rectilignes, il y a de la circulation avec des poids lourds. Ça pue les rejets des moteurs diesel ; ce n’est vraiment pas agréable. Heureusement l’arrivée à Villaines-la-Juhel compense largement. Chaque cycliste arrive avec un tonnerre d’applaudissement et même des holas. C’est certainement la ville contrôle avec le meilleur accueil pour les randonneurs. Il n’y a quasiment pas de
file d’attente au self, des toilettes à foisons. Il y a même des gens qui vous porte votre plateau repas ! Nous sommes vraiment traités en héros ça fait du bien au moral.
  Je reprends ma route pour atteindre Mortagne-au-Perche mais mon véritable objectif est Dreux. Le Perche est vallonné, mais la route que l’on empreinte est plutôt facile de bonnes montées, certes parfois difficiles mais l’espoir des belles descentes qui vont suivre nous motive à les gravir. A Mortagne, je me restaure et repars serein car je sais que j’arriverai au bout de ce Paris-Brest-Paris.

  A Senonche, une voiture me klaxonne, c’est Pascal, un collègue venu à ma rencontre. Il me double et m’attend un peu plus loin. Il filme notre entrevue pour la montrer aux autres collègues (malheureusement, ça ne fonctionnera pas). Ensuite, c’est en arrivant au niveau de Bois-le-Roi que je rencontre de nouveau Guy, un musicien venu m’encourager.
  A Dreux, je retrouve Guy qui m’attend. Il y a aussi un collègue du MSD et un vélo-couchiste qui possède un magnifique Nazca Pioneer. Vélo que j’aimerai avoir pour les grandes distances (en mode pépère !). Un bon vélo de randonnée, plus adapté au voyage touristique avec des sacoches bien chargées que pour faire une randonnée chronométrée comme le PBP. On verra çà l’année prochaine ! On se donne nos coordonnées pour pouvoir essayer la bête. Puis je cherche un médecin ;
mais il n’y en a pas. Un cycliste me dit qu’il n’y a rien (ou quasiment rien) à Saint-Quentin-en-Yvelines ; je décide alors de refaire le plein. Je vais manger au self bien fourni, puis je vais prendre une douche avant d’aller dormir. Curieusement, les bénévoles ne semblent guère renseignés sur la manière de faire. Ils sont aussi bien moins avenants que ceux rencontrés en Bretagne ou en Mayenne. On sent que c’est la fin ; on approche de Paris et de ces habitants déconnectés (ou trop
connectés). La chaleur humaine s’étiole. J’espère simplement que l’un d’entre eux n’oubliera pas de me réveiller.

Après une bonne heure de sommeil je me réveille et je décide d’aller manger léger une dernière fois avant de reprendre la route.

  La côte la plus terrible se trouve à Gambaiseul. Cette cote est difficile. Son pourcentage est de 8%. Vous me direz ; « 8%, c’est rien (on en a vue d’autres !) ». Certes, mais là on a déjà 1200km dans les pattes. Ma douleur au genou se fait rudement sentir. Heureusement, je sais qu’il ne me reste plus que 30 kilomètres avant l’arrivée.
  A quelques kilomètres de l’arrivée, je double une cyclotte complètement hagard. Elle me débite tout ce qui lui passe par la tête. Elle est épuisée et en manque de sommeil. Je passe mon chemin poliment.
  Quelques minutes plus tard, je franchis la ligne d’arrivée. Heureux d’avoir accomplis cet exploit.
  Cela me rappelle un sujet de philo : « Qu’est-ce que le bonheur : l’impression d’avoir surmonté un obstacle,… » … oui, comme réussir un Paris-Brest-Paris°!

Franck D. (dossard F183)

Bonjour Franck
c'est super ton compte rendu 2015 , super souvenir ..... j’étais en assistance de Guy et de Marc .
Je serai a GORRON au ravito de A F V au km 272 et au retour km 953.
Tu aura quoi comme numéros de dossard ?

Merci Franck, j'ai dévoré ton récit, ta cyclote hagard me rappelle quelqu'un serait ce elle, possible

Franck a écrit:

Voici le récit de mon Paris-Brest-Paris 2015 (...)

Vieux motard que Djamel !
Merci de ton récit qui rappelle des souvenirs et fait monter la pression à J-1 de PBP 2019...
Es-tu partant demain ?

Que de bons souvenirs!
Merci aussi à tous ceux que j'ai croisé pour leurs encouragements ou tout simplement... leur bonne humeur!

Malheureusement pas de Paris-Brest-Paris pour moi cette année! J'ai préféré rester autant que possible proche de ma famille que dans une longue préparation.

Bonne route aux valeureux! La météo devrait être plutôt clémente. Profitez-en!

Bonjour
Je vais essayer de relayer les informations depuis le ravitaillement AFV...
https://www.afvelocouche.fr/paris-brest-paris-2019/
Amicalement
Alain