Fan de vélo, curieux de nature (et accessoirement un peu bricoleur), je me suis intéressé aux vélos couchés, mais le prix de ces derniers a refroidi mon ardeur.
Surtout que chez moi, le vélo est un péché mignon. Pratiquant assidu, j'ai déjà un vélo de course et un vtt, les deux sont de très bonnes factures.
Et puis quelques centaines d’euro, pour satisfaire ma curiosité pour un vélo dont je ne suis pas certain d’avoir l’utilité est de toute évidence excessif.
La solution pour ne pas me ruiner est de le fabriquer mais je ne connais rien à la métallerie. Mon seul outil pour travailler la ferraille est une scie à métaux.
De plus, si je veux être cohérent avec l’idée que cela ne doit pas me coûter, il ne faut pas que j’achète de pièces neuves comme le siège, dérailleur… car au bout du compte cela risque de me revenir aussi chère qu’un vélo neuf.
Le challenge est donc double : le fabriquer et le fabriquer pour rien.
Ce principe du cout 0 fait partie intégrante de mon projet.
Pour commencer, il faut construire un châssis, mais j’en suis bien incapable.
Le temps passe, et c'est en observant les "Velolib" rennais (je suis rennais) que j’entrevois une perspective de solution.
En effet, ces derniers ont une configuration particulière : la partie avant est basse avec une petite roue et le tube "diagonal" se prolonge d'une dizaine de cm, au-delà de l'axe de la fourche pour accueillir une griffe destinée à l'accrochage des vélos aux stations.
Ils sont en aluminium, ce qui me plait bien, pour une question de poids et l’alu ne rouille pas.
Transformer ce vélo en vélo couché me semble réalisable.
L'idée est de prolonger le tube avant et d'adapter un boitier de pédalier au bout de ce "prolongement".
Petit coup de pouce du destin au moment où germe mon idée : la Ville de Rennes change de prestataire pour la location des vélos.
Le nouveau prestataire à son propre parc de vélos dont la géométrie n'a d’ailleurs rien à voir avec le précédent.
Je contacte l'ex prestataire qui accepte de me donner gracieusement 2 vélos accidentés (le restant devant partir en Afrique ou à la ferraille).
J’ai le châssis, mon affaire commence à prendre forme et avoir deux cadres va bien la simplifier.
Sur l’un des deux cadres, je fais le grand ménage avec ma scie à métaux : je conserve uniquement une partie du tube diagonale et la partie sur laquelle on installe le boitier de pédalier. Je conserve aussi un morceau du tube de selle ce qui me permettra de poser le dérailleur des plateaux.
Je manchonne de l'intérieur ce morceau au cadre restant. J’ai mis beaucoup de temps à trouver un tube aluminium du bon diamètre. Je finis par dégoter un morceau de tube de support de panneau de signalisation. Ce dernier n’avait pas le bon diamètre mais était suffisamment épais pour être passé au tour et être amené à la bonne dimension. Cela m’a couté 10 € chez un petit métallier du coin. Quelques rivets pop pour l’assemblage et le tour est joué.
La position du pédalier est arrêtée, je peux attaquer le siège, sa forme, son inclinaison.
Je réalise un premier siège avec un contre-plaqué souple que je cintre à la forme souhaitée avec une matrice en bois massif que j’ai fabriqué et je recouvre le contre-plaqué de fibre de verre.
Malgré le soin et le temps passez à cette opération, la forme est compétemment loupée, il est inconfortable au possible.
Finalement, j’achète une tôle alu de 2 mm d’épaisseur (20 €) que je plie comme il faut.
Là aussi je me loupe un peu : l’assise est plate : je manque de me gameller à plusieurs reprises en passant sur des nids de poules : Sous l’effet du choc, je rebondis sur le fauteuil et me retrouve, à l’atterrissage, avec une fesse dans le vide.
Je revoie ma copie, je rachète une nouvelle tôle et réalise une forme baquet. Quelques soudures sont nécessaires.
À présent il faut trouver une solution pour fixer le siège au cadre.
Plusieurs appuis sur le cadre sont possibles.
Je veux éviter les soudures car c’est un collègue de travail qui les réalise et il n’a pas que ça à faire !
Par ailleurs, les soudures sont plus ou moins définitives et si je me loupe dans la position des fixations, ça va être galère. Les retours en arrière sont délicats, couper ce qui vient d’être soudé, puis ressoudé, tout cela fragilise l’alu et marque durablement le cadre.
Il faut donc trouver un système qui se démonte et qui me permette de procéder à des réglages.
Pour l’un des appuis, le mobilier de signalisation va encore me sauver la mise : cette fois-ci, j’utilise les colliers de fixation des panneaux dont la dimension correspond au diamètre du tube diagonale (10 cm).
Petit détail, j’ai posé des cylindres bloc entre le siège et les appuis (4x5€).
Je compte sur eux pour servir d’amortisseur et améliorer le confort.
Le siège prend place sur le cadre.
Ces vélos sont équipés de frein à tambour à l’arrière et de vitesse dans le moyeu (3 vitesses).
3 vitesses, ce n’est pas suffisant à mon goût. Je décide de changer de roue et d’installer un dérailleur classique. Une patte de dérailleur fera l’affaire pour le fixer et la patte tiendra avec le serrage de roue.
Pour le coup, plus de frein à tambours sur la roue.
Il faut installer des freins à patin.
Là, je n’échappe pas à des travaux de soudures.
Je récupère des tassauts sur un vélo que je fais souder.
Passons au guidon.
Il me faut une potence de 40 cm de long et un grand guidon avec une forme en U.
Je coupe la potence en 2 que je rallonge avec un guidon. Le tout est assemblé avec des rivets pops.
Le guidon est composé de 3 guidons de vtt, assemblés avec des colliers de prolongateur de guidon de triathlon (acheté sur le Bon coin : 20€).
La transmission avec le chemin de la chaine entre le pédalier et la roue arrière qui touche plusieurs parties du cadre est certainement la partie sur laquelle j’ai le plus passé de temps.
Avec quel type de galet détourner la chaine ?.
Je fabrique des usines à gaz avec des galets de dérailleur, des poulies de bateau qui n’ont même pas fonctionné une demi-seconde.
Finalement ce sont des roues de roller et de trottinette qui me serviront.
Il suffit de creuser une gorge pour la chaine dans la gomme de la bande de roulement.
Je me suis rendu compte plus tard que je n’avais rien inventé. Cette astuce avait déjà été mise en œuvre par d’autres bricoleurs.
J’ai également évité les soudures pour installer ces galets.
Ils sont fixés avec des colliers ou boulonnés à des supports existants.
Cette solution fonctionne très bien mais je pense que ces galets sont à l’origine d’une perte de rendement.
Voilà en résumé, l’histoire de ma modeste construction.
Je pense avoir passez une 100 d’heures sur une période de 1 an à le construire, Je ne compte pas le temps passé à cogiter ou à la recherche de pièce (tube, collier…).
Durant la construction j’ai récupéré une bonne dizaine de vélos en déchetterie sur lesquels j’ai prélevé les pièces qui m’intéressaient.
Je suis souvent parti pour des essais sur le vélo et rentré le vélo sur le dos.
Je le trouve très complet, il décrit toutes les configurations possibles (transmission, guidon, siège…).
Aujourd’hui, J’ai parcouru environ 3 000 km. Il est fiable pour de longues sorties.
Concernant le vélo couché proprement dit, je trouve que c’est un vélo idéal pour se balader, pour flâner.
La position hyper confortable est pour moi, antinomique avec la notion de performance sportive et rouler en peloton parmi des vélos droits, à vive allure, ne me parait pas raisonnable mais je n’ai jamais essayé.
Nous avons la chance à Rennes d’avoir le canal l’Ille et Rance et son chemin de halage, parfaitement entretenu.
C’est un site idéal pour le vélo couché, plat, un vrai billard et surtout sans voiture.
Le canal traverse une nature verdoyante
Le vélo couché se prête remarquablement à la découverte de ces paysages.
Une sonnette est indispensable pour prévenir les marcheurs.
J’espère que ce récit vous aura intéressé.